Bonjour à tous !
Vous le savez, sous peu, la série PM2019 se termine, signant la fin d’une ère. Notre cher Sacha que l’on suit depuis 25 ans tire sa révérence pour laisser place à de nouveaux protagonistes dans la nouvelle série qui commencera en avril. Je me suis donc dit que c’était un bon moment pour vous parler du sous-titrage, puisque notre équipe est chaque semaine sur le front pour vous proposer une traduction de la série.
À travers cet article, je vais donc essayer de vous transmettre ma passion pour cet exercice qu’est le sous-titrage, si souvent pris à la légère, et grâce à lui vous donner quelques clés de compréhension pour mieux comprendre ce qui se cache derrière ces phrases qui apparaissent et disparaissent comme par magie en bas de votre écran. Et peut-être réussirons-nous enfin à répondre à l’éternelle question qui, par le passé (et encore aujourd’hui), provoqua des guerres entre les fansubs :
C’est quoi « un sous-titrage de qualité » ?
Indice : Google Translate n’est pas la bonne réponse.
Saviez-vous que, comme le nuage radioactif de Tchernobyl qui ne s’est pas arrêté à la frontière française, un sous-titre de qualité ne s’arrête pas à une absence de faute d’orthographe et de grammaire ? En effet, produire des sous-titres de qualité est un travail minutieux qui demande rigueur et attention sur nombre de points.
Nous ne parlerons dans la suite que des sous-titres « de traduction », à opposer aux sous-titres pour sourds et malentendants qui possèdent leurs propres codes. Sachez aussi que les normes de sous-titrage diffèrent suivant les professionnels et les milieux, et les éléments que je vais vous donner ici sont à titre indicatif, et peuvent varier suivant l’origine des sous-titres que vous regardez.
Disclaimer : Étant une fansub, donc des amateurs et non des professionnels, nous prenons des libertés vis-à-vis des explications et règles qui vont suivre, car nous n’avons ni l’expérience ni forcément le temps de tout respecter. Cependant, nous tentons d’y coller le plus possible afin de vous permettre une expérience de visionnage optimale.
Commençons donc par la règle maîtresse, celle de laquelle découle tout ce qui va suivre :
Le spectateur qui regarde une traduction doit pouvoir bénéficier d’une expérience de visionnage la plus proche possible d’un spectateur natif !
Il est évident qu’un spectateur qui regarde un contenu dont il ne comprend pas la langue ne pourra JAMAIS bénéficier de la même expérience qu’un spectateur qui connaît la langue et la culture du pays d’origine de l’œuvre. Le but du sous-titrage est donc de minimiser au mieux la gêne occasionnée par la barrière linguistique.
Le fait même d’ajouter un sous-titre à l’écran dénature l’expérience, car le spectateur est obligé de lire, et donc ne profite pas de ce qui se passe à l’écran le temps de la lecture. En découle donc un premier point : le placement des sous-titres à l’écran.
Vous l’aurez sûrement remarqué lors de vos visionnages, les sous-titres se trouvent toujours (à quelques exceptions près) en bas de l’écran. Eh oui, les mettre au milieu de l’écran gâcherait complètement le spectacle, n’est-ce pas ? Cependant, avez-vous remarqué qu’ils ne sont pas non plus complètement en bas de l’écran ? S’ils l’étaient, comme nous devons bouger nos yeux pour lire, nous ne regarderions que le bas de l’écran, et passerions à côté de l’action par ailleurs, ce qui nuirait à l’expérience de visionnage. Ainsi, de manière générale, les sous-titres sont placés au milieu du tiers bas de la vidéo.
La zone jaune représente l’emplacement vertical des sous-titres
Pour la même raison, afin que les sous-titres ne cachent pas tout l’écran, ces derniers ne doivent pas faire plus de 2 lignes (nous y reviendrons plus tard) !
Vous l’aurez compris, afin de permettre la meilleure expérience au spectateur, il faut donc que l’image ait la priorité sur le sous-titre. Ce qui nous amène à une nouvelle règle :
Un sous-titre ne doit pas commencer ou se terminer sur un changement de plan.
Et c’est le moment où vous vous exclamez : « Mais dis donc Tinta, c’est quoi un changement de plan ? ». Je vais vous expliquer.
Un changement de plan est une coupe qui interrompt la continuité de l’action à l’écran.
Un changement de plan peut donc être marqué par un changement d’angle de caméra, changement du lieu de l’action, etc…
On a ici 2 changements de plan, on passe du gardien à Alistair d’abord, puis à un plan large aérien
S’il ne faut pas commencer ou finir sur un changement de plan, comment faire alors ? L’ordre de grandeur à retenir est le suivant : 3 images, ce qui correspond à environ 120 millisecondes (en se basant sur une vidéo à 25 images par seconde (FPS)). Ainsi, un sous-titre doit commencer au minimum 3 images après un changement de plan, et se terminer au maximum 3 images avant un changement de plan. Et si un sous-titre doit franchir un changement de plan, il faut donc qu’il le fasse franchement, et se terminer plus d’une demi-seconde voire une seconde après.
Avec cette règle, nous entrons ainsi doucement dans l’un des deux grands volets du sous-titrage : la synchronisation.
Qu’est-ce que la synchronisation ? C’est tout simplement placer les sous-titres au bon moment. Leur donner un début et une fin. Le but est clair : quand un personnage parle à l’écran, la traduction de ses paroles s’affiche et permet au spectateur de comprendre ce qui se dit à l’écran (pour ceux qui suivent le milieu du fansub, ce travail est réalisé par le Timer). Bien évidemment, cela paraît simple au premier abord, mais comme nous l’avons vu juste avant, plusieurs points à respecter peuvent venir compliquer la tâche.
Tout d’abord, il ne faut pas commencer pile-poil au même moment où le personnage commence à parler. En effet, comme je l’ai dit précédemment, pour lire un sous-titre, nous avons besoin de baisser les yeux. Le temps donc de se rendre compte que le personnage parle, puis de baisser les yeux, nous avons déjà perdu une demi-seconde de temps de lecture, ce qui peut paraître peu, mais qui est en réalité colossal. Il est donc préférable de commencer un peu avant que le personnage prenne la parole, afin que le cerveau détecte une apparition de sous-titre, et que nous puissions lire en même temps que le personnage parle.
Car il y a une autre règle simple, qui s’apparente presque à de l’enfonçage de portes ouvertes :
Un sous-titre est lu, et donc doit pouvoir être lu.
Ainsi, un sous-titre doit être contraint temporellement. Il ne doit pas être trop court, afin d’avoir le temps de lire (plus de 600 millisecondes), ni trop long (moins de 5 secondes) sous peine de monopoliser le regard et l’attention du spectateur qui rate alors ce qui se passe au-dessus.
De la même manière, puisque les sous-titres s’enchaînent, il faut aussi pouvoir détecter que le sous-titre à l’écran a changé ! Pour cela, on ne collera jamais des sous-titres l’un à la suite de l’autre. Il faut laisser un temps sans sous-titre, un clignotement. Et devinez de combien de temps ? 3 images, c’est bien, vous avez suivi ! Ce clignotement, bien que bref, est perçu inconsciemment par le cerveau qui enregistre que ce qui est affiché a changé, et va donc automatiquement recommencer le processus de lecture en bonne et due forme.
Notez ici le temps de clignotement entre les deux sous-titres !
Arrive alors un autre problème : que faire quand il n’est pas possible de laisser un clignotement, par exemple quand un personnage interrompt un autre personnage ? Ou alors plus complexe : si un sous-titre qui doit se terminer 3 images avant un changement de plan se retrouve à faire moins de 600 millisecondes, et qu’il est impossible de le faire commencer plus tôt ?
La solution : le dialogue. Attention, cet outil est à utiliser avec parcimonie, pour des raisons que nous évoquerons juste après. En utilisant le dialogue, on fusionne alors deux sous-titres en un seul, nous permettant de respecter les normes, et de garder un confort de lecture.
Exemple de dialogue
Il y a donc plein de règles qui régissent la synchronisation des sous-titres, et bien que sur le papier cela puisse paraître simple, en conditions réelles, c’est tout autre chose : certaines règles peuvent venir empiéter sur d’autres. La personne chargée de la synchronisation doit donc jongler avec tout cela, encore une fois dans l’optique de fournir la meilleure expérience au spectateur.
Cela dit, c’est bien beau de savoir quand commencer et quand terminer un sous-titre, mais bon, on met quoi dedans ? C’est quand même le plus important, non ? Eh bien nous y arrivons. Et c’est probablement la partie qui fera le plus débat.
Continuons un peu avec les considérations techniques. Comme dit plus haut, un sous-titre ne doit pas gâcher l’action de ce qui se passe à l’écran, ce qui contraint le sous-titre spatialement. On évitera donc dans un sous-titre de dépasser 40 caractères par lignes (CPL), espaces et ponctuations incluses ! Et ce, sur 2 lignes maximum. Des normes plus drastiques descendent même jusqu’à 32.
Dans le milieu, ce genre de sous-titre est appelé « piste d’atterrissage »
(Traduction non-contractuelle)
De plus, afin que le spectateur ait le temps de lire le sous-titre, il faut que ce dernier ne soit pas trop long relativement à sa durée d’apparition à l’écran. C’est donc cette fois-ci une contrainte spatio-temporelle qui s’applique. Pour cela, il existe plusieurs indicateurs, mais le plus couramment utilisé est le CPS, Caractères Par Seconde. On estime qu’un bon sous-titre ne dépasse pas 18 CPS. Ceci étant, ce n’est pas forcément un bon indicateur, car nous ne lisons pas les phrases lettre par lettre, mais plutôt mot par mot. De la même manière, il y a certains mots dont nous avons l’habitude que nous lisons plus vite que d’autres.
Le CPS reste donc un indicateur relatif. Des phrases courtes seront lues très rapidement, et peuvent ainsi avoir un CPS élevé (jusqu’à 22-24), là où les phrases longues demandant plus de concentration devront avoir un CPS le plus bas possible (maximum 14-15).
Oubliez donc les notes de traduction en haut de l’écran qu’on a pas le temps de lire et les traductions à rallonge pour retranscrire chacun des mots et sous-entendus des paroles d’origine. Et pour les petits malins qui oseraient sortir l’argument du « Oui, euh, mais on peut mettre sur pause, donc c’est pas grave lol mdr », bah non ! Une vidéo est faite pour être regardée d’une traite. Mettre pause toutes les 30 secondes détruit l’expérience de visionnage. Et puis, vous pensez qu’on peut mettre pause au cinéma ? Non, donc argument invalide.
Ces contraintes spatiales et temporelles existant, il va donc falloir faire des compromis sur la traduction, au grand malheur des puristes, nous amenant maintenant sur le deuxième grand volet du sous-titrage : la traduction et l’adaptation.
Exemple de note, à bannir à tout prix !
Car s’il y a bien une chose à savoir sur la traduction, c’est que c’est un exercice difficile, et ce n’est pas pour rien qu’il faut plusieurs années d’études pour devenir professionnel. Elle demande d’une part de bien connaître la langue d’origine que l’on souhaite traduire, mais aussi d’autre part, comme on vient de le voir, elle demande de maîtriser encore mieux, voire d’exceller dans la langue d’arrivée de la traduction !
S’il est aisé de comprendre, il est difficile de traduire.
Dans un même laps de temps, il est possible de caser beaucoup plus d’informations à l’oral qu’à l’écrit. Essayez un jour, par curiosité, de prendre un film, mettez-le en français, sous-titré français, et comparez. Vous verrez qu’il y a des informations manquantes, ou que la tournure n’est pas la même. Et c’est là que le bât blesse, et que le drame arrive pour certains. Par moment, il n’est pas possible de retranscrire avec exactitude chacun des mots prononcés par un personnage, et la traduction doit donc faire des coupes dans le propos. Il convient alors de garder seulement le nécessaire, afin de retranscrire l’essence et le cœur du propos d’origine avant tout.
La première chose à garder en mémoire lorsque l’on traduit un animé (ou une série, un film), qui est ce qui nous intéresse ici, c’est que les paroles à traduire sont des paroles orales. Quand bien même un sous-titre est lu, ce n’est pas de la littérature, mais des paroles, et cela doit se ressentir à la lecture. Il faut donc toujours se poser la question quand on traduit : « Est-ce que la phrase pourrait être spontanément prononcée à l’oral ? ».
Bien évidemment, on veillera derrière à adapter le discours et le vocabulaire à la façon de parler du personnage. Un enfant ne parlera pas comme une vieille personne, qui ne parlera pas comme un politicien, mais on traduira de façon à avoir une phrase qui sonne « orale ». On aura par exemple tendance à transformer les « nous » en « on », à ne pas pratiquer l’inversion du verbe et du sujet dans les questions, ou alors à omettre les « ne » dans une négation (ce qui est en plus un gain de place dans le sous-titre, on fait d’une pierre deux coups !).
À gauche, Jessie, la bourgeoise de 60 ans
À droite, Jessie, la jeune méchante de 18 ans
De plus, une phrase n’est jamais seule et isolée. Elle est toujours accompagnée d’un contexte. Il peut y avoir une phrase avant, et une phrase après. Donc, en plus de vérifier que la phrase est cohérente avec elle-même, le traducteur doit aussi faire en sorte qu’elle soit cohérente avec les phrases qui l’entourent !
Prenons pour exemple l’expression « itadakimasu ». Cette expression, prononcée par les japonais avant de manger, se traduit littéralement par « je me sers » ou « je me permets », et est donc une formule qu’on dit à soi-même. Très souvent, elle est traduite par un « bon appétit », et cela peut se comprendre quand il y a un grand nombre de personnes autour d’une table qui la prononce. Mais que faire lorsque le personnage est seul à manger ? Cela paraît étrange de souhaiter « bon appétit » quand personne d’autre ne mange. Imaginez la situation. Diriez-vous « bon appétit » en mangeant le chocolat de Saint-Valentin offert par l’être aimé ? Ou en mangeant une bonne gaufre achetée à la fête foraine ? Non, bien sûr. On préférera traduire dans ces cas par un « merci » ou un « à l’attaque ».
Car le japonais, comme toute autre langue, possède son lot d’expressions et de mots culturels qui lui sont propres. Pour un néophyte, cela pourrait donc dérouter de voir des mots japonais ou des expressions traduites littéralement. Il est donc important, dans la traduction, de rendre au maximum les choses compréhensibles pour une majorité.
Un exemple typique concerne la nourriture japonaise, qui regorge de pléthore de plats aux noms uniques. On pourra, dans une oeuvre à public « niche », voire dont c’est le propos, laisser des mots typiques comme bentō, onigiri, takoyaki, etc.. Mais pour un public plus large, il sera nécessaire de les traduire en panier-repas, boulettes de riz, ou boulettes de poulpe. Il faut donc faire attention dans sa traduction à prendre en compte le public que notre traduction va toucher.
De délicieux beignets fourrés à la confiture !
Ce deux exemples nous montrent que le traducteur doit faire un effort d’adaptation en fonction du contexte et de localisation quand cela est nécessaire. Ce travail découle en réalité d’une règle plus globale :
Il faut à tout prix éviter la traduction littérale.
Chaque langue a une grammaire qui lui est propre, il convient donc de reformuler les choses pour les adapter à la grammaire française. Par exemple, en japonais, le verbe se trouve à la fin de la phrase. De la même manière, le japonais a tendance à inverser certaines propositions, qu’il faut alors remettre dans le bon sens quand on traduit.
Ainsi, dans un récent épisode, Pierre est présenté par Sacha comme étant « tabi nakama no Takeshi ». « tabi nakama » signifie « compagnon de voyage », et « Takeshi » est le nom japonais de Pierre. On voit donc qu’en japonais le nom de la personne vient après l’explication. À l’inverse, en français, nous avons plutôt tendance à donner le nom de la personne d’abord, avant de donner des précisions sur elle. On traduira donc cette présentation par « Pierre, un ami avec qui j’ai voyagé », en notant que « compagnon de voyage » a été reformulé afin de donner une phrase plus orale.
À travers ces différents exemples, nous n’avons bien sûr qu’à peine effleuré le sujet de l’adaptation. L’article étant assez long comme ça, je ne m’étendrai pas davantage, mais j’espère vous avoir sensibilisés à l’intérêt et la nécessité de ce travail.
Saurez-vous trouver les 2 erreurs sur cette image ?
(Indice : « means plan » veut dire « veut dire plan »)
De manière générale, avec le travail professionnel de localisation et d’adaptation, se pose aussi la question de la traduction des noms des personnages, des lieux, des attaques ou des sorts, etc… Par exemple, les noms des Pokémon sont des jeux de mots en japonais. Donc, à moins de parler la langue, difficile de comprendre la blague qui se cache derrière. Avoir des noms français nous permet donc de mieux apprécier le nommage des créatures. Et pour une œuvre longue, il peut même devenir utile de créer une bible qui regroupe tous les termes spécifiques à l’œuvre en question afin de garder une cohérence dans les termes et la traduction tout au long de l’histoire. Cette question de la localisation ou non des noms propres et termes spécifiques dépend de nombreux paramètres, et c’est pour cela que selon l’œuvre, le support, le public visé, le traducteur, la maison d’édition, etc., vous constaterez différentes pratiques éditoriales.
Canarticho, le canard qui tient un poireau
Exemple de localisation réfléchie et réussie
Pour finir cette partie, revenons un peu en arrière. Nous avons vu plus tôt qu’un sous-titre pouvait tenir sur deux lignes. Se pose alors une question : où mettre la césure, le retour à la ligne ? Pour cela, il faut analyser en détail la phrase.
Dans une phrase, il y a des groupes de mots qui sont liés entre eux. Par exemple, un nom et son adjectif associé peuvent difficilement être séparés. De la même manière, on ne sépare pas la négation de son verbe. Ou encore, on ne sépare pas une conjonction de la proposition qui la suit (oui, ça fait beaucoup de termes techniques, je vous avais bien dit qu’il fallait être bon dans la langue d’arrivée). Et des exemples comme ça, il y en a à la pelle. Il va donc falloir repérer ces groupes de mots, parfois même reformuler encore une fois pour trouver une coupure adéquate. Si on ne le fait pas, on perturbe le cerveau pendant la lecture, qui s’attend à lire quelque chose qu’il ne trouve pas, et qui doit faire un effort supplémentaire lors de son retour à la ligne pour lire la deuxième. Notez que cette règle s’applique aussi lorsqu’une phrase est coupée entre deux sous-titres qui se suivent.
Ces mécanismes se font sur des temps très courts, et sont parfois inconscients. Autant cela n’est pas grave lorsqu’on lit un livre, mais à l’échelle d’un sous-titre qui n’apparaît que peu de temps, cela peut se révéler être une gêne. Chaque dixième de seconde est précieux !
Bien, si vous avez compris, que diriez-vous de jouer à un jeu ? Voici 6 phrases qui ont été mises sur deux lignes. Saurez-vous repérer lesquelles sont mal coupées, et pourquoi ?
Sacha et ses amis continuent leur route pour participer à la Ligue. |
Cette météorite est un sujet d’étude important ! |
Il y a plein d’arbres à Baies dans ces montagnes. |
Il ne faut pas se reposer sur les autres |
N’ignorez pas les gens quand ils se présentent ! |
C’est un service spécial que nous vous offrons. |
Finalement, s’il n’y avait qu’une chose à retenir de tout ça, c’est que les phrases des sous-titres doivent être les plus fluides et naturelles possible. Juste en respectant cette maxime, vous êtes garantis d’améliorer la qualité de votre sous-titrage.
Pour terminer, parlons un peu de la mise en forme des sous-titres. Nous avons vu comment bien synchroniser un sous-titre, comment le remplir avec une traduction et une adaptation convenable, il ne nous reste maintenant que la partie plus esthétique.
Je redis ici l’évidence, un sous-titre est lu, et donc doit pouvoir être lu. Il faut donc dans un premier temps choisir une police lisible pour son sous-titre. Ensuite, afin que le sous-titre se démarque bien de la vidéo derrière, il faut lui donner un bord plus ou moins épais, et une couleur claire qui permet une meilleure lecture. Pour cette raison, tous les sous-titres professionnels que vous verrez seront en blanc ou jaune, avec un bord noir, qui est la coloration qui permet les meilleures lisibilité et démarcation.
Sans bord, la police se confond avec l’image derrière, et une police fantaisiste ou une couleur trop sombre rendent la lecture bien difficile…
Note : Dans notre cas, grâce à la liberté que nous donne le statut d’amateurs, nous proposons des sous-titres couleurs. Cela fait suite à de nombreuses demandes, notamment de personnes sourdes, qui peuvent ainsi mieux comprendre quel personnage est en train de parler. En effet, le sous-titrage sourd et malentendant possède d’autres normes, et nous serions bien incapables de fournir ce genre de traduction. C’est un choix qui a ses avantages et ses inconvénients, c’est pourquoi nous avons décidé de ne pas le faire sur la traduction du cycle Advanced Génération, par exemple. Néanmoins, vous retrouverez toujours ce principe du bord foncé et d’une police de couleur claire pour permettre une lecture confortable.
Une autre chose que vous avez pu remarquer dans les sous-titres est l’utilisation d’italiques. Ces derniers sont utilisés dans les cas suivants :
- Narration et pensées internes
- Action se déroulant dans le passé (flashback)
- Voix modifiée d’un personnage non présent dans une scène (téléphone, télévision, radio, etc…)
- Chansons
Toujours dans l’optique d’un confort de lecture maximal, ils permettent au spectateur de rapidement comprendre un contexte et donc faciliter l’immersion, ainsi que de rendre les sous-titres un peu plus vivants.
Parfois, on a d’affichée à l’écran une écriture en langue étrangère qui est importante pour l’intrigue. Il peut alors être nécessaire de la traduire pour que le spectateur comprenne la situation. Dans ce cas, puisque ce n’est pas une traduction de paroles, le sous-titre sera alors mis en MAJUSCULES et en italique, parfois en haut de l’écran, pour bien le distinguer du reste. Et sur un animé, les éditions peuvent être plus poussées et adopter le style de l’écriture, voire même remplacer l’écriture ! Mais bien sûr, cette liberté n’est permise qu’au fansub, bien que maintenant des éditeurs professionnels proposent parfois des éditions un peu plus fantaisistes que de simples traductions.
Exemple d’édition qui traduit et remplace le japonais
Et enfin, parmi les libertés que le fansub offre, on pourra noter la possibilité de faire un karaoké, ce qui me permet d’évoquer une règle de mise en forme concernant la traduction de chansons : on ne met alors pas de points à la fin des phrases, et chaque sous-titre commence par une majuscule, même si l’on est en plein milieu d’une phrase.
Pour conclure cet article, je vous propose de mettre en application les différents points que nous avons abordés dans un exemple concret. Partons d’une phrase japonaise, et passons-la à la moulinette de la traduction, synchronisation, adaptation, localisation et mise en forme.
« メトロソムリエにして駅弁ソムリエの僕としてはこの地方でしか食べられない駅弁でも食べたい »
« metoro somurie ni shite ekiben somurie no boku to shite wa kono chihou de shika taberarenai ekiben de mo tabetai »
Cette phrase, prononcée par notre cher Rachid dans un récent épisode, dure 6,65 secondes. Il faut donc la couper. Cela tombe bien, il fait une pause après « shite wa » ! Séparons donc la phrase en deux.
« metoro somurie ni shite ekiben somurie no boku to shite wa » – 3,26 secondes
« kono chihou de shika taberarenai ekiben de mo tabetai » – 3,05 secondes
Nous avons maintenant des sous-titres de durée convenable. À présent, traduisons littéralement.
« métro sommelier en tant que ekiben sommelier je suis en tant que »
« cette région dans seulement ne peut être mangé ekiben je veux manger »
Plutôt incompréhensible pour le moment, je vous l’accorde. Allez, transformons ça en phrase française !
« Moi qui suis sommelier métro et qui suis sommelier ekiben, »
« je veux manger un ekiben qu’on ne peut manger que dans cette région. »
Voilà donc une phrase un peu plus compréhensible. Vous remarquerez que, pour le moment, je n’ai pas traduit le mot « ekiben ». En réalité, ce mot très spécifique désigne des paniers-repas que l’on peut acheter dans les gares (il vient de la contraction de « eki » (gare) et « bentō » (panier-repas)). Afin donc de le rendre compréhensible, faisons une localisation, et traduisons cela par « panier-repas de gare ».
Ensuite, on peut se demander ce que veut dire « sommelier métro » et « sommelier ekiben ». Finalement, c’est un sommelier qui a pour passion les métro et les ekiben. Nous allons donc reformuler la phrase en essayant de garder cette idée.
Et enfin, dans la deuxième phrase, vous noterez la répétition du verbe « manger ». Par souci esthétique, changeons donc le premier « manger » en « goûter ». Car oui, s’il y a une chose que l’on aime pas en français, c’est la répétition.
Finalement, après reformulation, nous sommes maintenant à :
« Moi qui suis sommelier fan de métro et qui suis sommelier fan de panier-repas de gare, »
« je veux goûter un panier-repas de gare qu’on ne peut manger que dans cette région. »
On s’améliore, mais arrive un autre problème. Les phrases sont beaucoup trop longues ! Les deux phrases ont un CPS de 26. Il va falloir les raccourcir.
Dans la première phrase, il y a répétition de « qui suis sommelier fan de ». Dans ce cas, supprimons simplement la deuxième occurrence.
Dans la deuxième phrase, la fin de la phrase nous donne comme information que ce sont des panier-repas spécifiques à la région. On peut donc tout simplement remplacer la proposition par l’adjectif « régional ».
Nous avons maintenant :
« Moi qui suis sommelier fan de métro et de panier-repas de gare, »
« je veux goûter un panier-repas de gare régional. »
La première phrase a maintenant un CPS de 19, et la deuxième un CPS de 15.
Prenons maintenant le contexte. Rachid dit cette phrase car il a faim. Ainsi, sa phrase sonne plutôt comme une plainte. Son « je veux » se traduirait alors plutôt par un « j’aurais aimé ».
Vous remarquerez aussi que « panier-repas de gare » est répété deux fois. N’y a-t-il pas moyen de simplifier ? L’expression est composée d’une part de « panier-repas » et de « gare ». Dans la deuxième phrase, puisque l’on parle de goûter, c’est l’information « panier-repas » qui est la plus importante. Dans la première, c’est plutôt le mot « gare » qui est important, en résonance avec « métro ».
En prenant en compte ces modifications, nous en sommes maintenant à :
« Moi qui suis sommelier fan de métro et de gare, »
« j’aurais aimé goûter un panier-repas régional. »
Et voilà, nous avons notre traduction. Reste une dernière chose à faire : mettre le sous-titre sur deux ligne, donc faire une césure !
Dans la première phrase, le corps principal de la phrase est « Moi qui suis sommelier », et le groupe « fan de métro et de gare » vient en complément. La césure peut donc se faire après « sommelier ».
Dans la deuxième phrase, le corps principal de la phrase est « j’aurais aimé goûter », et le groupe « un panier-repas régional » vient en complément. La césure peut donc se faire après « goûter ».
« En tant que sommelier
fan de métro et de gare, »
« j’aurais aimé goûter
un des paniers-repas régionaux… »
Vous noterez une petite reformulation subtile pour coller à la traduction présente dans l’épisode, mais voilà, nous avons notre sous-titre bien présenté ! Félicitations !
Maintenant, répétez cette opération environ 300 fois pour un épisode de 25 minutes ! (En réalité moins, certaines phrases sont très faciles à synchroniser, et des phrases courtes, faciles à traduire, ne nécessitent pas de telles analyses et réflexion. Mais sachez qu’il est possible de bloquer plusieurs dizaines de minutes sur une seule phrase !)
Et pour ceux qui voudraient comparer avec tout ce qui a été dit jusqu’à maintenant, vous pouvez consulter ICI les normes de sous-titrage demandées par la chaîne Arte (pages 9 à 12) !
Si vous avez lu cet article jusqu’au bout, je vous en remercie. Merci à Trizek pour sa relecture et ses conseils avisés sur la rédaction, et merci à Dackara pour les titres de partie. J’ai essayé d’être clair et exhaustif, mais s’il vous reste des incompréhensions, ou des questions sur des choses non abordées dans l’article, n’hésitez pas à les poser en commentaire, ou à venir directement sur notre Discord !
Et maintenant, la prochaine fois que vous regarderez des sous-titres, essayez donc de faire attention à tous les petits détails que nous avons abordés dans l’article. Peut-être que vous verrez le sous-titrage différemment, et qui sait, cela pourrait faire naître en vous une vocation future !
Merci à tous de votre soutien et votre fidélité.
Tinta
Je n’ai pas encore regardé le dernier épisode que vous avez sous-titré. Je tiens à dire que je vous suis depuis longtemps. J’ai commencé à regarder Pokémon en VOSTFR depuis le milieu de Diamant/Perle et c’est un régal. Vous faites un très bon travail. Je me demande même si vous atteignez celui d’un professionel. En voyant le comparatif avec Arte, je vois que vous vous inspirez des grands. D’ailleurs, ils ont fait partie des premiers avec Canal+ à proposer du contenu en VOSTFR en France. En plus, j’aime bien Arte. Une qualité de sous-titrage propre.
Cet article rend justice à votre travail et c’est pour ça qu’on ne doit pas vous presser.
Excellent article, merci !
es ce que vous pouvez me confirmer que c’est signer tchat gpt cette article ?
Bonjour. Libre à toi de le croire ou non, mais cet article a entièrement été rédigé par des humains, et j’en suis l’auteur principal. Il n’y a donc eu aucune sollicitation de la part d’une intelligence artificielle.
Tu sais, il existe encore des humains capable d’écrire des choses de manière organisée, avec une grammaire et une syntaxe complexe.
Je tiens néanmoins à féliciter ton scepticisme, car il montre que tu portes un regard critique sur ce que tu vois et ce que tu lis.
Cordialement.
Pour un malentendant comme moi je privilège les sous titrages et les VOSTFR mais je trouve tellement beau les séries dans leur pur jus avec leurs musiques mais je vous remercie du travail du sous titrage car j’en fais dans les vidéos chantisignes ( apprends le L.S.F en chantant des chansons françaises) c’est un boulot monstre.
Bonjour !
Je vous ai pas fait de message mais merci beaucoup pour tous les épisodes que votre team traduit.
Et oui, malheureusement je les ai rencontré, et avant même de lancer l’épisode je suis venu check ce site en me disant « tiens, déjà ?! ». Bah oui forcément, c’était du google trad. Mais ça se ressent très vite. C’est terrible les syntaxes, les différences entre ce qui est dit et écrit et qui parfois ne veut rien dire.
Sincèrement, je préfèrerais toujours attendre un épisode de votre team même si ça prends le temps qu’il faut, que d’avoir à vivre un épisode comme ça.
J’ai d’ailleurs cut celui là après 20 secondes en me disant « nan mais nan en fait »
Du coup merci encore pour votre boulot, et vous inquiétez pas, à moins de regarder des épisodes d’anime (quel qu’il soit) juste pour les regardé et pas les apprécier, je pense que tout le monde sait où est la qualité 😉
Merci pour l’article et de savoir sur quoi vous bosser cela fait montrer que vous travailler énormément pour nous et je vous remercie avec du respect. Nous on attend beaucoup de vous et montrer ce que vous faite ses incroyable.
Encore merci l’équipe et vive pokemon
Un article génial ! Bravo, passionnant à lire !